Déclaration d’un camarade natif de Baltimore sur le soulèvement en cours

Déclaration d’un camarade natif de Baltimore sur le soulèvement en cours

Quelque chose de très important a lieu non seulement à Baltimore, mais dans toute l’Amérique noire. Aucun décès n’a été imputé aux manifestants dans une ville où 250 personnes sont tuées par an, la quasi-totalité de ces victimes d’homicides étant noires. Malgré les incendies et les pillages, les jeunes gens de Baltimore ont encore montré une retenue plus grande dans leurs conflits avec la police et les propriétaires de magasin que dans leurs conflits entre eux. Je dis cela parce que pendant des années, ma famille aussi y a mis du sien, aussi bien pour donner la mort que pour mourir.

Comment se fait-il que le soulèvement actuel, malgré sa violence, n’ait débouché sur une guerre ouverte entre blancs et noirs, flics et enfants, propriétaires et locataires, patrons et travailleurs, et ce alors que la guerre ouverte entre les jeunes hommes noirs dans toute la région est incessante ? Parce que les jeunes Noirs estiment toujours la vie de leurs ennemis structurels plus que la leur propre. Le processus de ce qui est probablement l’organisme social d’auto-cannibalisme le plus efficace dans l’histoire – fusillades nocturnes, agressions, overdoses – est un projet en construction depuis des siècles.

Les jeunes noirs de Baltimore ont été conditionnés pour se considérer eux-mêmes comme le problème. Toutes les questions socio-économiques qui se posent sont en quelque sorte le résultat de leur comportement. Ils entendent cela, non seulement de la part des flics blancs, des enseignants philippins, des propriétaires de magasin de liqueur coréens, mais aussi du grand nombre de noirs qui ont fréquenté Coppin ou Morgan, obtenu des emplois décents et décidé que la raison pour laquelle la police les vise eux, c’est que leurs biens ne doivent pas augmenter, ou ils ne doivent pas avoir d’augmentation de salaire, parce que « les négros » ont quitté le comté, qu’ils se sont toujours volés entre eux ou que « le reste d’entre nous » se fait mal voir.

La structure de l’Amérique a évolué pour s’assurer qu’il y ait pas de place pour ces jeunes. Les mouvements d’aujourd’hui ne feront pas écho aux luttes des années soixante. Aujourd’hui il n’y a pas de protection comme dans le boom économique d’après-guerre, ni d’emplois bien rémunérés pour les travailleurs peu qualifiés, ni d’effort pour intégrer les Noirs pauvres dans le processus productif. Des décennies de désindustrialisation ont mis fin aux tentatives économiques d’intégrer les Noirs à faible revenu au marché du travail, et l’augmentation exponentielle du système pénitentiaire depuis quatre décennies signifie un retour au système esclavagiste comme moyen de gérer l’Amérique noire. Ce à quoi nous assistons à Ferguson, Baltimore et, bientôt, dans les quartiers noirs partout en Amérique, c’est à une rébellion d’esclaves moderne.

Aujourd’hui, il n’y a aucune direction noire légitime.L’ascension d’une poignée de noirs à des postes de pouvoir démontre, avant tout et surtout, l’impossibilité structurelle de trouver une place pour la majorité des Noirs en Amérique. Un maire noir, un chef de la police noire, un président noir – et Baltimore brûle toujours.

Ce n’est certainement pas une situation pleine d’espoir. Il est tout à fait possible qu’il n’y ait pas de solution à ces problèmes. Je ne peux qu’espérer que les gens qui ont conçu cette architecture de la misère noire, ce hachoir à viande de chaire noire, vont bientôt sentir le poids des dents et des ongles sur leur propre cou.

Josh Baltimore

29 avril 2015